Un chai partout au Québec

Cpllabo matera Ras'L Bock.jpg

Vous avez peut-être remarqué que, depuis quelques mois, on a commercialisé plusieurs collabos dont la grande majorité est barriquée… Mais pourquoi en faire autant ? Et n’est-ce pas de se compliquer la vie que d’envoyer nos barils aux quatre coins du Québec ? Et bien la réponse à cette question tient compte de deux éléments :  

Tout d’abord, et c’est la partie un peu plate… l’espace dont on dispose ne nous permet plus d’entreposer tous nos tonneaux. On est une brasserie à contrat et, bien que l’on préfère mettre l’accent sur le statut “nomade” que nous permet ce modèle d’affaires, ça veut aussi dire qu’il faut s’adapter au fait que nous ne sommes pas - du moins pour l’instant - maîtres de l’espace. Alors aussi bien se servir de cette situation et de se dire que si « on n’a pas notre propre chai, on en aura un partout au Québec ».

D’un autre côté, nous sommes les fiers propriétaires de cinq foudres et de près d’une centaine de barriques, mais ça fait un peu plus d’un an qu’à chaque fois que l’on vide des tonneaux, on doit les disperser à travers le Québec. On contacte les brasseurs qu’on admire et respecte, des brasseurs avec lesquels on a envie de travailler, et si ça « fit » de leur côté, on lie nos connaissances et on s’embarque dans un petit projet un peu fou !

Les brasseurs et brasseuses du Québec sont vraiment « smaths ». Ce sont des gens intéressants, des gens drôles, passionnés et passionnants. C’est toujours un plaisir d’aller à leur rencontre, serrer leur main (well, quand c’était encore possible), de découvrir leurs façons de faire et de partager un bon moment autour d’une (ou de plusieurs) bonne bière !

***

RAS L’BOCK

En plus d’échanger et d’apprendre les uns des autres sur tout ce qui touche à la bière, et encore, les collabos peuvent mener à des opportunités inattendues. Au début de l’hiver 2020, de passage chez Ras l’Bock à St-Jean-Port-Joli pour une « Saison barriquée fermentée sur marc de raisin » (encore en barriques en ce moment), on jasait de nos enjeux respectifs et, quelques mois plus tard, on brassait pour la première fois dans leur nouvelle usine notre Weiss Ventura. Depuis, on y brasse aussi notre S’toutünstout !

Une belle complicité s’est développée entre nous au fil des années, et surtout au cours des derniers mois. Lors de notre passage en juin pour le brassage de la Weiss Ventura, ils nous ont chaleureusement accueilli et invité à rester quelques jours pour profiter de ce superbe coin. On va se le dire, il n’y a pas que leur terrasse qui en vaut le détour ! ;) On a même eu la chance de participer à leur classique hebdomadaire de balle molle et de savourer leurs steamés de compétition.

On a tellement été bien reçus, qu’avec du recul, on se dit que ces trois-quatre jours ont été parmi les plus beaux de notre été ! Merci la gang !


BROUE-SHOP

Guy-Guy-Guy, le brasseur-proprio de la Broue-Shop à Ste-Julie, c’est notre premier amour de business.

Hugues a œuvré pendant deux ans à titre de gérant de ce désormais incontournable brewpub de la Montérégie. Il y était dès l’ouverture et n’a quitté ses fonctions qu’au moment où nous avons lancé Matera. Guy nous avait à l’époque donné un solide coup de main, en nous permettant de brasser sur place la première version commerciale de notre TamTam ! C’est un peu comme s’il eut été le premier à croire en nous et on lui en sera toujours très reconnaissants.

Ça faisait un bon bout de temps qu’on voulait retourner y brasser quelque chose en collabo, mais la vie étant ce qu’elle était, avant la COVID-19, on n’avait pas beaucoup de temps chacun de notre côté. Cet automne, le timing était parfait !

Après une petite remise en forme de quatre barriques ex-Bordeaux qui ont contenu notre Coming of Age 2.0, direction Ste-Julie pour brasser une Saison qui sera barriquée “juste le temps qu’il faudra”, chaque barrique étant inoculée d’une souche de Brett différente. Il s’agit de la première bière vieillie en fût de chêne que Guy brasse au Broue-Shop et ça nous fait extrêmement plaisir d’y participer. Inutile de vous dire qu’on a mis le paquet... On vous en reparle dans quelques mois !

AVANT-GARDE

Parfois, collaborer c’est tellement l’fun qu’on a envie de répéter l’expérience… quatre ou cinq fois ! C’est notamment ce qui se passe avec nos bons amis d’Avant-Garde, Shawn et Renaud (mais aussi tout leur staff, une méchante belle équipe !!! qui vaut bien le passage en boutique. Ça pis leur nouveau four à pizza...)

Shawn et Renaud, c’est rigueur, souci du détail et créativité. Et ça, ce n’est que la pointe de l’iceberg de l’expertise qu’on retrouve là-bas. C’est toujours inspirant de créer de nouvelles recettes avec eux et on se trouve pas mal chanceux de pouvoir travailler avec une brasserie qu’on estime autant.

Lorsque la situation sociale le permettra, on vous promet la troisième édition d’un beau gros BINGO à la sortie d’une prochaine collabo !

D’ici-là, notre prochaine concoction devrait arriver sur les tablettes pour les Fêtes. Il s’agit d’une Triple Belge mûrie en foudre, refermentée en bouteilles avec levures Brett. On vous dit juste une chose, ça promet.

IMG_7810.jpg


Bref, on prend toujours un plaisir fou à travailler avec d’autres brasseries. Tellement, que chaque fois qu’on termine une collabo, on se demande : Quand et avec qui ferons-nous la prochaine ?

*Voici nos collabos que vous avez encore la chance de trouver sur les tablettes de vos détaillants favoris :

À la Fût : Empirique

Avant-Garde : Frambo

Barberie : Patience

 

À VENIR :

ROBIN : Lager ambrée vieillie en tonneaux de rhum et de chardo

11 COMTÉS : Assemblage de lagers âgées sur noyaux de cerises et chair de prune

HELM : Imperial Nut Brown Ale

Texte : William Marin // Photos : Ranko Bobusic

Triple Collabo - À La Fût / Le Labo

Microbrasserie À La Fût, St-Tite

Microbrasserie À La Fût, St-Tite

Tout ce beau projet a débuté par un petit matin tranquille du mois d’août. Louis-Philippe Simard, directeur des opérations du Labo, nous donne un coup de fil en nous déclarant qu’il souhaite effectuer des tests de fermentation avec nous.

Emballés, on réalise cependant que ce projet sera difficile à réaliser pour nous sans l’aide d’une autre brasserie. Ayant parlé la semaine précédente à Pierre-Paul Carpentier, responsable du chai chez À La Fût, concernant la vente de tonneaux, Olivier le rappelle et le convainc sans trop de difficultés d’embarquer avec nous dans l’aventure !

Rapidement, ce projet expérimental dépasse la portée originale ; on utilisera différents types de tonneaux, différents types de fermentation, et on prend la décision de s’appuyer sur le travail de maîtrise que Myriam Ladrie (responsable du R&D chez Le Labo) est en train de compléter, portant évidemment sur les levures sauvages (intitulé « Étude de la diversité des levures du genre Brettanomyces et de leur potentiel en fermentation brassicole »).

Alors, quels étaient les objectifs ?

  1. Apprendre sur l’entretien de barriques

  2. Comprendre les effets de certaines modifications des tonneaux sur la bière

  3. Isoler et tester différentes souches de Brettanomyces pour en déterminer leur intérêt commercial 

  4. Exercice d’assemblage de bière

  5. Avoir du fun !


Octobre 2018

On se retrouve donc avec 12 barriques de notre Coming of Age fraîchement vidées. On les apporte en campagne, chez Mémé (la grandiose grand-mère à Hugues), et un mardi matin on décide de se lancer dans un petit entretien. 


On démonte toutes les barriques et on effectue un grattage à l’aide d’une lame courbe aiguisée à la façon d’une lame d’ébéniste. Le but est d’enlever une fine couche de bois, sur laquelle il peut y avoir du « beer stone » et empêcher la micro-oxygénation du produit qui y séjourne. Cela aide également à se débarrasser de micro-organismes résidant dans les premiers millimètres de la barrique !  De plus, cette étape permet de raviver le goût boisé que la barrique apportera au produit. 

On effectue ensuite une petite chauffe, qui rendra disponibles les tanins du bois et participera au profil aromatique. On les traite finalement à la vapeur afin de bien humidifier / gonfler les bois et étanchéiser le tonneau, tout en contribuant  également à sa stérilisation (au même titre que la chauffe). Cette étape est en effet primordiale pour l’expérimentation subséquente, question de laisser toute la place aux levures choisies.

Les barriques étaient maintenant prêtes à être envoyées chez À La Fût ! 


Novembre 2018

Vient le moment de brasser la bière en question. On s’entend sur une bière blonde, peu amère ni houblonnée, bref qui possède un profil assez neutre qui permettra aux levures de bien s’exprimer.

Le premier brassin sera fermenté en cuve inox puis affiné en fûts de chêne, alors que le second fermentera directement en barriques. À La Fût met également à la disposition du projet une douzaine de barriques, on se retrouve donc à 24 au total.

En plus de ça, on pousse l’expérimentation en utilisant différents types de fermentation : 

Saccharomyces en primaire puis Brettanomyces en secondaire (12 tonneaux) 

100% Brettanomyces (8 tonneaux)

Co-Pitch Saccharomyces / Brettanomyces

On se revoit dans quelques mois !

Avril 2019

On est pas mal excités ! À La Fût nous livre personnellement 24 canettes, donc une canette par tonneau. C’est le temps des tests préliminaires. En deux séances, on teste chacun des échantillons tout en remplissant une fiche d’analyse sensorielle assez rigoureuse ;)

On perçoit évidemment plein de différences, et quelques surprises émergent. La Brett isolée d’une bière belge bien connue donne des résultats moyens, alors que celle provenant d’un kombucha s’avère prometteuse ! 

Octobre 2019

C’est le temps d’aller visiter nos amis du Labo pour compléter le tournage du court vidéo et évidemment, on en profite pour réaliser différents tests sensoriels ! Ayant chacun nos « repères » gustatifs et olfactifs, c’est une expérience vraiment enrichissante que de discuter et d’échanger sur ce que l’on perçoit. On a même la chance d’avoir un sommelier de bière « officiel » de niveau international dans l’équipe, ce qui fut clairement un petit plus lorsque venait le temps de déceler des « off-flavours » plus subtils.


Novembre 2019

Caisse de l’Aven en avance par la poste ? Presque, mais pas tout à fait ! C’est une deuxième caisse de 24 canettes, que l’on se dépêche de tester à la maison (avec fiches sensorielles évidemment) puisque Louis-Philippe et Myriam, du Labo, présenteront une partie du projet et des résultats au Congrès annuel de l’Association des Microbrasseries du Québec (AMBQ).

Au congrès, pendant la conférence, on fait circuler deux échantillons à déguster dans la salle remplie de brasseurs, et le résultat nous surprend : alors que nous préférions à l’interne clairement l’échantillon 1, les dégustateurs semblent être 50/50 entre les deux. Intéressant !


Mars 2020

Les trois équipes se rencontrent chez À la Fût pour déterminer ce qu’on fait de la bière ! Des grosses décisions !

Après quelques tests, on décide qu’on a assez de belles barriques pour en faire une bière de qualité.

Après d’autres tests, on décide de jeter 9 barriques sur les 24 originales.

Après plusieurs autres tests, on soumet l’idée qu’un assemblage avec une bière ayant un peu d’amertume et un caractère fruité pourrait être intéressant!

IMG_2578.jpg



Été 2020

On décide finalement de commercialiser deux bières : 

L’EMPIRIQUE « Assemblage », assemblée à une IPA de À La Fût et une IPA de Matera, en canettes.

L’EMPIRIQUE en barrique « PURE », refermentée en bouteilles, disponible fin août.

IMG_3905.jpg


En espérant franchement que ces produits vous plaisent ! Ils sont le résultat de plusieurs mois de travail, de patience, d’échanges, de tests mais aussi de gros fun.

L’expérimentation comporte sa part de risques, mais l’acquisition de connaissances et le plaisir qu’on a eu compensent aisément les aléas de projets du genre.

Du travail d’équipe avec l’objectif de repousser les limites, c’est le meilleur que l’industrie brassicole québécoise a à offrir, non ?


Texte : William Marin

Photos : Ranko Bobusic

Tournée des brasseries du Vieux-Continent

Amburon - Belgique

Amburon - Belgique

On a beau être en plein cœur de l’Allemagne viticole, j’ai beau travailler à la SAQ depuis 13 ans et tripper sur le vin, on reste quand même des brasseurs de bière ;) Après 5 journées dans les vignobles, il est temps d’aller visiter quelques brasseries !

 

Tungri

Donc on part pour la Belgique. À 5h du matin. En plus, la veille, c’était l’anniversaire de Max, notre « guide ». Ouf.

Notre première visite, à 10h, est chez Amburon Belgian Craft Brewery, à Tongeren. C’est officiellement la plus vieille ville de Belgique. Davy, brasseur et co-propriétaire, nous reçoit avec un grand sourire et une bière à la main.

Aussi connue sous le nom de Tungri (gamme de bière et le nom de la première tribu à s’être installée dans la région), Amburon est toute jeune dans l’industrie brassicole plusieurs fois centenaire de la Belgique. Ouverte fin 2016, la brasserie propose une gamme de bières belges légèrement « atypique » : une Blonde (7.5%), une Bitter belge (7.5%), ainsi qu’une Dubbel (7%). Toutes refermentées en bouteilles, elles sont également très digestes. On a même le chance de goûter 2 bières aux fruits, dont une jamais commercialisée pour cause de problème de carbonatation. Ça mousse trop, mais c’est délicieux !

Autour de leur excellente Dubbel, Davy nous parle un peu du marché de la bière en Belgique, et à quel point le regard des consommateurs sur une nouvelle micro est différent d’au Québec. En effet, il croit que le regard des consommateurs sur une nouvelle brasserie est généralement méfiant, dans cette industrie très « traditionnaliste ». Intéressante observation !

 

De Koninck

De Koninck - Anvers - Belgique

De Koninck - Anvers - Belgique

Direction Anvers pour la soirée : Max connaît bien Sven, le brasseur en chef là-bas.

De Koninck, c’est difficilement ce qu’on pourrait appeler une micro : c’est gros, très gros. Fondée en 1883, elle a une histoire riche et intéressante, qu’on se fait conter au cours d’une visite « interactive » qui a dû coûter assez cher merci.

Après une Wild Jo au bar, une 100% Brett franchement bonne (ils essaient de moderniser leur offre un peu), Sven nous amène dans son « antre » nommé The brewer’s cave, une petite salle de réception pour événements spéciaux qui lui sert également de chai : il veut commencer un programme de maturation en barriques, et ses 8 premiers tonneaux y séjournent.

Il y a déjà de la musique dans le background… Sven nous explique qu’il tient à ce que ses tonneaux vieillissent avec de la musique ! Et pas n’importe quelle ; pour cette batch là, c’est au son de Barry White qu’ils acquerront toute leur personnalité !

S’ensuit une dégustation de Stout impériale, déclinaison Bourbon, Brandy, Rhum. Sven nous parle de ses anciens boulots ; il a entre autres été maître-brasseur pour la Duvel (!) pendant 8 ans, et nous explique par exemple certains changements qu’il a effectués concernant la levure. Trop complexe pour entrer dans les détails ici, mais vraiment intéressant !

Quelques verres plus tard, Sven annule finalement son rendez-vous et nous invite à découvrir le resto quelques étages plus haut du bâtiment où l’on se trouve. En fait, De Koninck est propriétaire de presque tout le quadrilatère ; en plus de la brasserie, du pub, De Koninck loue des locaux à une fromagerie, une chocolaterie, une boucherie, quelques restos, etc.

Évidemment, ça se termine dans le parking de l’hôtel où on dort, avec une Oude Kriek de De Ranke bue à même la bouteille ! Bonne nuit !

 

Slot Ostende

C’est par un doux matin que l’on traverse la frontière néerlandaise pour se retrouver à Goes, une tranquille ville de Zélande, aux Pays-Bas (eh oui, il y avait la Zélande avant la Nouvelle-Zélande).

On visite tout d’abord le brewpub / resto-boutique, puis on nous emmène au bureau rencontrer l’équipe. Ils possèdent un chai dans un hangar derrière, où reposent une bonne centaine de barriques.

Slot Ostende, à l’image de l’industrie de la bière artisanale aux Pays-Bas, a le vent dans les voiles. On termine le petit tour à leur nouvelle usine de production, qui est encore en construction. Ils prévoient acheter un millier de tonneaux pour remplir leur futur chai, qui est… immense ! Il semblerait que le «barrel-aged» soit également pas mal fort en Europe…

Stephan, qui nous fait visiter tout ça, nous mentionne qu’il pourrait nous aider si nous voulions exporter nos bières aux Pays-Bas. Il nous parle aussi de collabo… à voir !

 
Jopen - Haarlem - Pays-Bas

Jopen - Haarlem - Pays-Bas

Jopen

Une autre brasserie pionnière dans le craft beer néerlandais, Jopen (dont le nom fait référence aux tonneaux de bois de 122 litres dans lesquels on transportait autrefois la bière), est devenue grande, très grande. Fondée dans les années ’90, ils ont sans cesse pris de l’expansion et comptent aujourd’hui sur une usine de production des plus modernes.

Ils possèdent également une église-bar (beau concept que celui d’un débit de boisson situé dans un édifice religieux), où l’on déguste quelques-unes de leurs bières, notamment la Koyt. En effet, Jopen se distingue entre autres par la mise en marché de cette bière, une «gruit» typique de la ville de Haarlem dont la recette, attestée par le Conseil de la ville, remonte à 1407. On a affaire à une bière rougeâtre, titrant 8,5% d’alcool, plutôt épicée et légèrement sucrée. Sans houblon, évidemment !

Bien qu’il y ait aussi une longue histoire brassicole néerlandaise, les brasseurs (que nous avons visités, à tout le moins) semblent un peu moins « subir » le poids de l’histoire et offrent des styles de bières un peu plus « nouveau-monde » et plus « tendance » que ce que nous avons pu expérimenter en Allemagne. La loi de la pureté allemande a ses limites… pour le meilleur et pour le pire.

Texte : William Marin

Photos : Ranko Bobusic