Triple Collabo - À La Fût / Le Labo

Microbrasserie À La Fût, St-Tite

Microbrasserie À La Fût, St-Tite

Tout ce beau projet a débuté par un petit matin tranquille du mois d’août. Louis-Philippe Simard, directeur des opérations du Labo, nous donne un coup de fil en nous déclarant qu’il souhaite effectuer des tests de fermentation avec nous.

Emballés, on réalise cependant que ce projet sera difficile à réaliser pour nous sans l’aide d’une autre brasserie. Ayant parlé la semaine précédente à Pierre-Paul Carpentier, responsable du chai chez À La Fût, concernant la vente de tonneaux, Olivier le rappelle et le convainc sans trop de difficultés d’embarquer avec nous dans l’aventure !

Rapidement, ce projet expérimental dépasse la portée originale ; on utilisera différents types de tonneaux, différents types de fermentation, et on prend la décision de s’appuyer sur le travail de maîtrise que Myriam Ladrie (responsable du R&D chez Le Labo) est en train de compléter, portant évidemment sur les levures sauvages (intitulé « Étude de la diversité des levures du genre Brettanomyces et de leur potentiel en fermentation brassicole »).

Alors, quels étaient les objectifs ?

  1. Apprendre sur l’entretien de barriques

  2. Comprendre les effets de certaines modifications des tonneaux sur la bière

  3. Isoler et tester différentes souches de Brettanomyces pour en déterminer leur intérêt commercial 

  4. Exercice d’assemblage de bière

  5. Avoir du fun !


Octobre 2018

On se retrouve donc avec 12 barriques de notre Coming of Age fraîchement vidées. On les apporte en campagne, chez Mémé (la grandiose grand-mère à Hugues), et un mardi matin on décide de se lancer dans un petit entretien. 


On démonte toutes les barriques et on effectue un grattage à l’aide d’une lame courbe aiguisée à la façon d’une lame d’ébéniste. Le but est d’enlever une fine couche de bois, sur laquelle il peut y avoir du « beer stone » et empêcher la micro-oxygénation du produit qui y séjourne. Cela aide également à se débarrasser de micro-organismes résidant dans les premiers millimètres de la barrique !  De plus, cette étape permet de raviver le goût boisé que la barrique apportera au produit. 

On effectue ensuite une petite chauffe, qui rendra disponibles les tanins du bois et participera au profil aromatique. On les traite finalement à la vapeur afin de bien humidifier / gonfler les bois et étanchéiser le tonneau, tout en contribuant  également à sa stérilisation (au même titre que la chauffe). Cette étape est en effet primordiale pour l’expérimentation subséquente, question de laisser toute la place aux levures choisies.

Les barriques étaient maintenant prêtes à être envoyées chez À La Fût ! 


Novembre 2018

Vient le moment de brasser la bière en question. On s’entend sur une bière blonde, peu amère ni houblonnée, bref qui possède un profil assez neutre qui permettra aux levures de bien s’exprimer.

Le premier brassin sera fermenté en cuve inox puis affiné en fûts de chêne, alors que le second fermentera directement en barriques. À La Fût met également à la disposition du projet une douzaine de barriques, on se retrouve donc à 24 au total.

En plus de ça, on pousse l’expérimentation en utilisant différents types de fermentation : 

Saccharomyces en primaire puis Brettanomyces en secondaire (12 tonneaux) 

100% Brettanomyces (8 tonneaux)

Co-Pitch Saccharomyces / Brettanomyces

On se revoit dans quelques mois !

Avril 2019

On est pas mal excités ! À La Fût nous livre personnellement 24 canettes, donc une canette par tonneau. C’est le temps des tests préliminaires. En deux séances, on teste chacun des échantillons tout en remplissant une fiche d’analyse sensorielle assez rigoureuse ;)

On perçoit évidemment plein de différences, et quelques surprises émergent. La Brett isolée d’une bière belge bien connue donne des résultats moyens, alors que celle provenant d’un kombucha s’avère prometteuse ! 

Octobre 2019

C’est le temps d’aller visiter nos amis du Labo pour compléter le tournage du court vidéo et évidemment, on en profite pour réaliser différents tests sensoriels ! Ayant chacun nos « repères » gustatifs et olfactifs, c’est une expérience vraiment enrichissante que de discuter et d’échanger sur ce que l’on perçoit. On a même la chance d’avoir un sommelier de bière « officiel » de niveau international dans l’équipe, ce qui fut clairement un petit plus lorsque venait le temps de déceler des « off-flavours » plus subtils.


Novembre 2019

Caisse de l’Aven en avance par la poste ? Presque, mais pas tout à fait ! C’est une deuxième caisse de 24 canettes, que l’on se dépêche de tester à la maison (avec fiches sensorielles évidemment) puisque Louis-Philippe et Myriam, du Labo, présenteront une partie du projet et des résultats au Congrès annuel de l’Association des Microbrasseries du Québec (AMBQ).

Au congrès, pendant la conférence, on fait circuler deux échantillons à déguster dans la salle remplie de brasseurs, et le résultat nous surprend : alors que nous préférions à l’interne clairement l’échantillon 1, les dégustateurs semblent être 50/50 entre les deux. Intéressant !


Mars 2020

Les trois équipes se rencontrent chez À la Fût pour déterminer ce qu’on fait de la bière ! Des grosses décisions !

Après quelques tests, on décide qu’on a assez de belles barriques pour en faire une bière de qualité.

Après d’autres tests, on décide de jeter 9 barriques sur les 24 originales.

Après plusieurs autres tests, on soumet l’idée qu’un assemblage avec une bière ayant un peu d’amertume et un caractère fruité pourrait être intéressant!

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Été 2020

On décide finalement de commercialiser deux bières : 

L’EMPIRIQUE « Assemblage », assemblée à une IPA de À La Fût et une IPA de Matera, en canettes.

L’EMPIRIQUE en barrique « PURE », refermentée en bouteilles, disponible fin août.

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En espérant franchement que ces produits vous plaisent ! Ils sont le résultat de plusieurs mois de travail, de patience, d’échanges, de tests mais aussi de gros fun.

L’expérimentation comporte sa part de risques, mais l’acquisition de connaissances et le plaisir qu’on a eu compensent aisément les aléas de projets du genre.

Du travail d’équipe avec l’objectif de repousser les limites, c’est le meilleur que l’industrie brassicole québécoise a à offrir, non ?


Texte : William Marin

Photos : Ranko Bobusic